vendredi 21 février 2014

Isla de las Muñecas - Xochimilco (Mexique)

Les îles paradisiaques gorgées de palmiers en fleurs et d’amoureux transis prêts à vivre d’eau de coco fraîche et de caresses vous ennuient ? Vous ne serez pas déçus par la découverte qui suit. À quelques kilomètres de Mexico, dans la pleine région marécageuse de Xochimilco, une petite île perdue au milieu d’un vaste réseau de canaux est devenue l’une des plus étranges attraction touristique d'Amérique. Bienvenue sur la Isla de las Muñecas. 

Avec ses jardins flottants, ses serres verdoyantes et ses canaux colorés, Xochimilco, vaste zone lacustre mitoyenne de l'immense métropole de Mexico, est un havre de paix pour le visiteur de l'assourdissante capitale. Le site, inscrit au Patrimoine Mondial de l'Unesco en 1987 et dont le nom signifie "jardin des fleurs" en Nihuati, séduit chaque année les touristes qui succombent (Rhum et Margharita aidant) à son charme féérique.

 

Principale attraction du site : les balades en "Trajineras". 
À l'embarcadère, négociez avec les bateleurs le prix et les étapes de votre traversée. Puis une fois le périple entamé, ne dérogez pas à la règle et remplissez votre barque de produits traditionnels. Les commerces flottants viennent à vous, chargés de maïs, de boissons, de chapeaux et même de Mariachis. Une fois ravitaillés, installez-vous confortablement et préparez-vous à voguer vers l'inconnu.


À cet instant il est encore impossible au voyageur non averti de se douter de ce qui l'attend. Car à quelques kilomètres de ce havre fleuri se trouve une île sombre et fantomatique que nous sommes justement prêts à visiter.


It's a small, small world 

Il y a une cinquantaine d'années, Don Julian Santana Barrera quitte famille et amis pour trouver refuge dans les marécages de Xochimilco. Mais arrivé sur place l'homme est frappé par un terrible drame : le décès d'une petite fille, morte noyée dans le canal. Le fait divers commence alors à hanter Don Julian qui pour apaiser l'esprit tourmenté de la défunte, a soudain une petite idée : collecter un grand nombre de poupées et en décorer - avec goût - son île. 



Il est vrai qu'à peine débarqué, une vraie sensation d'apaisement se fait sentir.


N'ayant pas de stock de poupons Corolle à disposition, Don Julian inventa un système de troc tout à fait inédit. Installé sur un lopin de terre, il se mit à cultiver des fruits et légumes avant de les échanger avec les habitants des zones voisines contre des poupées (une botte de carotte = une Barbie démembrée). Voilà comment notre ermite fit de son île un étrange et macabre mausolée et non une jolie attraction Disney.



Pourtant loin d'être horrifié par son étrange installation, Don Julian se disait apaisé par la présence de ces petits jouets protecteurs, chasseurs de mauvais esprits.


Chucky 

Au fil du temps, les poupées se multipliant ont envahi les arbres,  clôtures et murs des cabanes jusqu'à recouvrir la quasi totalité de l'île. L'homme occupé à amasser ses trésors pendant plus de dix ans n'a jamais souhaité les entretenir ni les réparer. Le vent, les intempéries et le soleil prirent ainsi tranquillement possession des jouets.



En 2001, la dépouille de l'étrange collectionneur a été retrouvée dans le canal bordant l'île. Dernières occupantes des lieux, les poupées continuent lentement à se dégrader et certains soirs, à la merci du vent, elles se balancent pour entamer une étrange chorégraphie.



vendredi 30 août 2013

Wat Rong Khun - Chiang Rai (Thaïlande)


Après des vacances agitées, rien de tel qu'une virée paisible dans un temple thaïlandais. On aura vu plus insolite, me direz-vous. Plus excitant aussi. Mais ne le jugez pas trop vite, le Temple Blanc réserve quelques surprises...

White spirit

Blancheur immaculée, débris de miroirs incrustés qui réfléchissent la lumière et ajoutent à la beauté surnaturelle du lieu... Bienvenue au Wat Rong Khun, plus connu sous le nom de Temple blanc.

Que vous soyez ou non en quête de spiritualité, ce petit joyau situé à 13km de Chiang Rai (au Nord de la Thaïlande) vaut le détour. 
Amateurs d'architecture classique et épurée, passez votre chemin, et débutons avec les autres la visite de ce royaume de l'audace, de la modernité et/ou du mauvais goût. 


La construction du Wat Rong Khun a débuté à la fin des années 90. À l'origine du projet : l'artiste Chalermchai Kositpipat. Un homme qui sait voir les choses en grand... et en blanc, couleur qui dans la religion bouddhiste incarne la pureté (on comprend mieux la démarche). Quant aux débris de miroir, ils réfléchissent le soleil à la façon de Bouddha qui apporte la lumière sur le monde. Tout s'explique.
 
 
 
Wat's Rong ?

Mais il en fallait plus pour faire de ce temple un lieu de villégiature insolite. Et ce plus, on le trouve dans le parti pris transgressif de l'artiste.

En effet, si l'enceinte principale est un monde de beauté censé symboliser le paradis, ses alentours représentent, eux, l'enfer. Et c'est là que les choses se gâtent.

Car l'enfer de
Chalermchai est un territoire menaçant, peuplé de terribles créatures et d'humains déchus en souffrance. Vision bien réconfortante quand, après avoir parcouru en 5 minutes les préceptes de la religion Bouddhiste, vous réalisez n'avoir aucune chance de siéger aux côtés de Bouddha dans l'autre monde. 
Chers pécheurs, bienvenue chez nous.


Les plus courageux pourront tout de même tenter de pénétrer dans les entrailles du temple en traversant le pont surplombant une rivière. À première vue, la mission est facile. Problème : la rivière est une figuration effrayante de la terre d'où jaillissent des centaines de mains prêtent à retenir nos désirs terrestres (et qui sait, à nous agripper au passage une jambe). Car ce n'est que libérés de ces désirs que nous pourrons, l'esprit libre, emprunter les marches qui mènent au paradis.
Je vous laisse passer devant.



Bouddha amateur de Syfy

On aura perdu quelques fidèles, un peu réticents à l'idée de traverser une rivière de mains... et voilà qu’une nouvelle flopée s’apprête encore à rebrousser chemin. En cause cette fois-ci : l'atteinte au bon goût.

Chalermchai Kositpipat a une vision TRÈS personnelle de la religion et des maux contemporains. Aussi, quand certains artistes aiment à brouiller les pistes et décrire l'au-delà en termes flous et ambigus, Chalermchai préfère donner à voir de manière très concrète l'enfer et ceux qui le peuplent. Sans aucune crainte de tomber dans le kitsch.
Et s'il peut au passage condamner quelques unes de nos vilaines habitudes
...


Gare à celui qui oserait transgresser l’interdit. Il s’exposerait à la colère d'un predator émergeant d'une pelouse parfaitement tondue.

 
Plus étonnantes encore sont les fresques qui recouvrent certains murs du temple. Plutôt que de s’essayer à montrer les traditionnels rapport entre bien et mal à l’aide de représentations classiques, pourquoi ne pas s’appuyer sur les icônes de la culture populaire ? Pour l’artiste, ils en disent davantage sur les tentations auxquelles l’individu est exposé aujourd'hui. Et voilà que du lieu spirituel, nous embarquons (à bord d'un vaisseau spatial) pour un univers peuplé de super-héros. L'occasion de croiser un Superman, bien chevelu, volant non loin de Néo, Batman et de quelques personnages d’Avatar.



À ce jour, le temple est encore en construction. La fin des travaux est prévue pour 2070 ! Chalermchai aura donc du mal à mener le projet à terme. Mais ne vous inquiétez pas pour lui, l'artiste est persuadé qu'en remerciement de son travail, Bouddha lui accordera l'immortalité.